Un banquet historique
6 janvier 1378 : Charles V le Sage donne un grand banquet dans le palais de la Cité (actuellement palais de Justice, sur l'île de la Cité).
Le banquet est rendu en l'honneur de Charles IV, empereur de Bohême, et de son fils Wenceslas, roi des Romains.
Il est rendu dans le contexte de la fin du règne de Charles V, au pouvoir depuis 1364 et qui mourra deux ans après ce banquet, le 16 septembre 1380.
Charles V est alors victorieux sur tous les plans.
Sur le plan diplomatique il a reconquis, grâce à Bertrand du Guesclin, l'essentiel des provinces octroyées aux Anglais par le traité de Brétigny de 1360.
Sur le plan intérieur, il a mis fin à toute contestation de l'autorité de la couronne qui s'était développée pendant la captivité de son père Jean II.
En janvier 1378, Charles V peut dès lors recevoir en grande pompe à Paris son oncle, l'empereur germanique Charles IV.
Cette visite est avant tout motivée par des raisons diplomatiques.
Il s'agit pour Charles V de faire reconnaître par l'empereur germanique la souveraineté capétienne sur les provinces reconquises aux Anglais.
Il s'agit aussi pour le roi d'obtenir l'approbation de l'empereur pour l'extension du royaume vers l'est, et plus particulièrement le comté de Bourgogne et le Dauphiné, alors provinces d'Empire.
En contrepartie, l'empereur Charles IV demande le soutien du roi de France pour la future investiture de son fils Wenceslas au titre d'empereur germanique.
Charles IV est en effet vieillissant et il cherche à sécuriser la pérennité de ses titres auprès de ses descendants. Il fait bien, il mourra le 29 novembre de cette même année 1378.
Le protocole organisé pour le banquet du 6 janvier 1378 a été soigneusement étudié : il s'agit de montrer que le roi de France parle d'égal à égal avec l'empereur.
Au cours de cette visite officielle, on fait lire à l'empereur d'Allemagne l'historique de la guerre entre les Capétiens et les Plantagenêts (que l'historiographie baptisera plus tard le « guerre de Cent Ans »).
A la suite de cette lecture, l'empereur Charles IV prend la parole : il apporte officiellement le soutien de l'empire à son neveu le roi de France et condamne l'attitude anglaise.
Pour conclure, Charles IV qualifie de « juste » la reconquête de provinces perdues par les Capétiens à la suite du traité de Brétigny de 1360.
Le repas a lieu dans la Grand-Salle du palais (aujourd'hui la salle des Pas-Perdus du Tribunal) en présence de la cour et d'une importante foule de dignitaires.
La Grand-Salle en impose sérieusement à l'époque : conçue à la demande de Philippe le Bel en 1299, elle n'est toujours pas achevée à sa mort en 1314.
D'une surface totale de 1 730 m2, la Grand-Salle mesure soixante-trois mètres de long sur vingt-sept mètres de large. Elle constitue alors parmi l'une des plus grandes salles d'Occident.
Elle est réputée pour son « cycle des rois ». Sur les colonnes en hauteur, sont en effet représentés tous les rois des Francs et des France depuis l'Antiquité tardive.
Il s'agit alors d'insister sur la continuité historique du pays, des premiers Mérovingiens (alors que la Gaule est encore une colonie romaine) jusqu'à Charles V.
Quarante-huit statues sont ainsi disposées en hauteur de la Grand-Salle : de Faramond (roi légendaire réputé être l'arrière-arrière-grand-père de Clovis) à Charles V.
Dix statues compléteront l'ensemble jusqu'à Henri III.
Incendiée en 1618, la Grand-Salle sera malheureusement détruite et remplacée par la salle des Pas Perdus du palais de Justice.
Cette dernière se visite toujours de nos jours (même si elle y abrite désormais une salle d'audience, une cour d'assise spéciale destinée à l'origine au procès du Bataclan) et permet de mesurer les dimensions hors normes du site.